Evangeline Lilly était une femme qui se considérait droite, juste et compréhensive. Elle avait l’esprit ouvert, elle avouait d’ailleurs boire et fumer quelques substances illicites lors de la fin des tournages aux côtés des acteurs de LOST mais là, franchement, Evangeline Lilly se surprenait à critiquer intérieurement le type qu’elle soutenait du mieux qu’elle pouvait. La scène était plutôt hilarante vue de l’extérieur : comparée à son fardeau, l’héroïne de LOST avait une carrure étonnamment frêle. Un bras autour de la taille du nouveau George Clooney et l’autre agriffant furieusement l’avant bras de l’étalon pour l’empêcher de tomber vers l’avant, elle ronchonnait alors que l’inconnu aux yeux bleus déblatérait une série d’inepties qui aurait, en temps normal, amusé la jolie Evie.

« La ferme ! » Lança la brune, hors d’elle, provoquant chez l’homme un froncement de sourcils qu’elle ignora royalement. « Vous êtes à Hollywood ! Plus au Canada… Les paparazzis de cette foutue ville sont de véritables rapaces. Ils vous attendraient dans votre douche s’ils le pouvaient ! Un peu de tenue ! »

Evangeline eut également la furieuse envie de lui recommander un nutritionniste. Certes, il avait un corps à damner les saints, ça, elle ne le nierait pas. Mais à présent, elle revenait sur ses positions : porter Jensen Ackles et ses quatre-vingt-dix kilos, c’était une peine qu’elle ne s’infligerait plus jamais. Sur le Wilshire Boulevard, la circulation était quasi-nulle. Il devait être deux heures du matin et dire qu’Evie tombait de sommeil ne trompait pas : son visage ordinairement paisible et doux était marqué par deux vilaines poches sous les yeux et son habit de soirée lui, était froissé : sa robe noire lui semblait alors n’être qu’une vulgaire pièce de tissu. C’était sans doute à cause de ces deux raisons que la jeune Lilly détestait aller en vadrouille chaque soir pour boire, rencontrer un ami ou deux et finir comme les Paris ou les Nicole au bord d’un trottoir.

L’avenue était risquée. En effet, si elle croisait des paparazzis, Ackles était foutu. Et elle, on l’accuserait certainement de tromper Dominic. Ce serait affreux… tant que ça ? A bien y réfléchir, elle pensait plus à l’image du débile qui pesait tout son poids plutôt qu’à sa relation avec Monaghan. L’avenue était sûre. En effet, les paparazzis, elle les verrait de loin ! Mais seulement si tout se passait bien. Ne supportant plus le trentenaire, sa fatigue et ses réflexes altérés eurent raison d’eux : elle s’écroula au beau milieu du chemin.

« Merde ! Hey ! Hey ! Ca va ? » Lança-t-elle, inquiète, en secouant Jensen par les épaules, espérant qu’elle ne l’avait pas tué. Elle voyait déjà les gros titres : Evangeline Lilly, la célébrité montante du petit écran, a tué l’un de ses rivaux, Jensen Ackles, après l’avoir enivré. La plaie ! Alors qu’en réalité, c’était elle qui l’avait sauvé ! Nom d’un chien…

«Je suis vraiment certain de vous avoir déjà vu quelque part!», Réussit-il à prononcer tant bien que mal, tandis que la belle brune l'empêcha de basculer en avant pour la dixième fois au moins en peu de temps.

En effet, Jensen était dans un état lamentable, comme il ne l'avait plus été depuis un long moment. Soutenu par Evangeline, il marchait en titubant. Si la jeune femme n'avait pas été là, il aurait probablement rampé au sol, sans arriver chez lui entier. Ou alors il se serait endormi, assis et adossé à un poteau dans les rues d'Hollywood. Les paparazzis en auraient profiter pour prendre des tas de clichés compromettants, et son image en aurait pris un sérieux coups.

«Je sais qui vous êtes! Vous êtes cette femme... Cette femme qui chante qu'elle a embrassé une fille et qu'elle a aimer ça!»

Il parlait bien évidemment de Katy Perry. Où était la ressemblance entre la chanteuse et l'actrice qui le trainait derrière elle, l'air exaspérée? Il n'y en avait probablement aucune, mais un homme complètement ivre n'a plus aucune notion des réalités, et c'était le cas de Jensen à ce moment précis. Evie lui lança d'un air charmant de se taire et il exécuta son conseil, du moins pour l'instant, se contentant de froncer les sourcils en une moue burlesque. Il ne prêta aucune attention au sermon d'Evangeline quant aux paparazzis. Il imagina alors Evangeline dans le clip d' "I Kiss A Girl", à la place de la véritable chanteuse, persuadé que c'était elle la véritable interprète de la chanson.

Soudain, il se sentit partir en avant sans qu'il n'ait le temps de réagir. Et de toute manière, il n'était pas en état de répondre de lui même. Il se retrouva en deux temps, trois mouvements, étalé au sol de tout son long. Par chance, il n'était pas blessé; pas une seule égratinure. Un rire sonore se fit entendre dans l'avenue : l'alcool faisant partie intégrante de son esprit, il ne sentit aucune douleur, et trouva la situation... Amusante. Par dieu sait quel miracle, il réussit à se redresser un minimum, de sorte à ce qu'il se retrouve sur ses deux genoux. Ses yeux voilés par le whisky en quantité effarante qu'il avait ingurgité se posèrent sur la jeune femme au sol à ses côtés, qui se mit à le secouer comme un prunier, visiblement inquiète.

«Cinq sur cinq, princesse!», Répondit-il d'un ton guilleret après un long moment de silence. Il fallait évidemment le temps que l'information arrive jusqu'à son cerveau.

Il ne pensa même pas à demander si elle même n'avait rien, ce qu'il aurait fait dans son état normal instantanément. Il tenta de se relever d'un bon élégant. Il était certes debout, mais ses jambes étaient chancelantes, et il manqua de s'affaler à nouveau, se rattrapant au poteau à ses côtés. Il présenta ensuite sa main libre à Evangeline pour l'aider à se relever alors qu'il était lui-même incapable de tenir debout. La poche de son jean se mit soudain à vibrer, ce qui le fit sourire d'une moue hilare. Les vibrations furent suivies par la musique 'The Unforgiven' de Metallica. Il observa la poche de son jean d'une moue cocasse avant d'enfin se rendre compte que son portable était en train de sonner. Il mit un certain temps à sortir son portable de sa poche et à trouver la touche pour décrocher, mais réussit malgré celà à répondre avant que son interlocuteur ne tombe sur sa messagerie vocale.

«Ici, Jensen!... Joana? Je ne connais personne qui se prénomme de la sorte!», Lança-t-il en prenant une voie beaucoup plus austère que la sienne. Il venait de raccrocher au nez de son ex. Il rangea son portable à sa place initiale avant de reporter son attention sur Evangeline, qui s'était levée toute seule. Il haussa les épaules, adossé au poteau avant de regarder quelque chose derrière la belle brune. Un sourire surfait se dessina sur son visage.

« Je n’ai jamais embrassé de fille de ma vie ! » Lança-t-elle, la mine renfrognée et les bras croisés, après qu’il ait raccroché et ranger son portable dans sa poche. Elle voulait bien l’aider mais elle ne serait pas non plus son assistante particulière ! Dernier carat : elle le laisserait choir s’il lui demandait de l’aider à baisser son pantalon pour aller se soulager.

Evangeline abandonna l’acteur du regard et posa ses yeux émeraudes sur ses jambes : ses genoux étaient égratignés et étant donné qu’elle n’avait pas la chance d’être ivre comme ce très cher Jensen, elle souffrait de ces ridicules blessures mais qui faisaient pourtant un mal de chien à qui essayait de marcher. Réalisant que ces blessures risquaient de lui valoir un sermon de la part de J.J. Abrams, le réalisateur/producteur de LOST, Evie lança un regard assassin à l’ivrogne. Elle s’assurerait personnellement de faire vivre à Jensen un enfer, le lendemain matin. Dans son esprit, elle commençait déjà à prévoir un plan machiavélique : elle ne le lâcherait pas d’une semelle et une fois chez lui, elle le laisserait se reposer afin de mettre à bien ses desseins. Remplacer le dentifrice par de l’encre, son gel par de l’huile de tournesol et vider toutes ses canettes de bières seraient ses buts premiers. Ensuite, elle le réveillerait en lui balançant un énorme seau d’eau au visage et en faisant résonner dans ses oreilles le son désagréable de deux casseroles que l’on entrechoquait. Oui. Sa vengeance de lendemain de cuite serait terrible.

Une main se posa sur son épaule et la fit hurler de toutes ses forces. Instinctivement, elle s'était réfugiée dans les bras de son ivrogne de la soirée et ferma les yeux de toutes ses forces. Voilà qu’un voleur venait l’attaquer et ce crétin d’Ackles ne pourrait même pas agir : soit on dérobait le contenu de son sac et on la violait ou alors, c’était elle qui agirait et se battrait comme un homme, à la place de ce sale morveux. Elle sentit un bras de Jensen entourer ses épaules et, à la limite de l’irritabilité, elle lui colla une baffe. Cela ne vaudrait rien si elle se faisait violer mais au moins, ce crétin de chasseur fictif de monstres saurait que la conséquence de non-assistance à personne en danger lui vaudrait cher. Très cher.

« Police, madame » Evie se retourna et reconnut l’uniforme bleu des hommes de paix de la ville de Los Angeles et les couleurs froides, mais rassurantes, de l’automobile des défenseurs de l’ordre. Son sentiment de sécurité s’évapora instantanément pourtant lorsque l’agent de police pointa sa torche électrique en plein sur sa figure, l’obligeant à se protéger les yeux du mieux qu’elle pouvait, puis sur celle de Jensen. Vite ! Un mensonge, un mensonge, sinon, il ne se priverait pas de mettre les deux célébrités au trou et de prévenir les journalistes à scandales. Contrairement à Jensen qui regardait avec amusement le policier, Evie, elle, avait l’impression que le monde se dérobait sous ses pieds.

« Bonsoir, monsieur l’agent… Je raccompagnais Monsieur chez lui… il a apprit une mauvaise nouvelle et euh… il a un peu trop forcé sur l’alcool… » Elle ramena derrière son oreille une mèche ondulée de ses cheveux chocolat et se mordit la lèvre inférieure. Son visage devint le plus angélique possible et elle espérait que Jensen entrerait dans son jeu et ne continuerait pas un de ses délires alcoolisés…

Son cœur manqua un battement lorsque Jensen démentit l’information qu’elle avait automatiquement donnée à l’officier. Veillant à ce qu’Ackles ne la voit pas, Evangeline hocha négativement la tête pour faire comprendre à l’officier qu’il était vraiment ivre et qu’il savait à peine où il se trouvait. C’en était affligeant. Les yeux clos, tentant de récupérer une respiration normale, elle espérait intérieurement qu’il tombe dans un coma éthylique et que l’homme en uniforme devrait faire appel au 911. Mais c’était un rêve qui ne deviendrait jamais réalité. « Vous pensez que ça ira pour le ramener ? » S’enquit le policier qui semblait pourtant soucieux de la sécurité de la jeune femme et regardait d’un mauvais œil l’acteur. Le bras de Jensen s’appuya un peu plus sur les épaules d’Evangeline et c’est avec un sourire désolé qu’elle répondit à l’agent. « Oui, ma voiture est là-bas… si vous ne me faîtes pas un alcotest, puis-je m’en aller ? J’aimerai vraiment jeter ce type sur mon canapé et dormir à mon tour… » Le policier la scruta quelques secondes, comme pour s’assurer qu’elle disait vrai et, avant de partir, lui recommanda de la prudence. Un sourire rassuré s’empara des lèvres d’Evie qui observa l’officier s’éloigner et monter à bord de sa voiture.

Ce n’est que lorsqu’elle sentit la masse de Jensen disparaître qu’elle revint à la réalité. Elle le laissa faire et resta debout, observa de toute sa hauteur l’homme ivre s’asseoir à même le sol, comme un vulgaire alcoolique. Elle se sentit désolée pour lui : qu’est-ce qui avait pu l’amener seule à ce bar ? Qu’est-ce qui l’avait conduit à boire sans modération aucune ? Elle ne le savait pas. Et préférait ne pas le savoir. Elle avait assez joué les anges gardiens pour ce soir. Lorsque Jensen reprit la parole, ce fut une voix titubante et enrouée qui retentit. A son ordre de le laisser seul, elle ne répondit que de la seule façon qu’il était possible de répondre : en riant de bon cœur. Du moins, elle riait jaune et se moquait de la situation mais ça, ce n’était pas réellement à préciser. Cet idiot osait lui ordonner de décamper alors qu’elle l’avait aidé à parcourir cinq cents mètres et allait le ramener chez lui. Mais non…

« Je crois que je vais faire une petit sieste ici… » A cela, Evie répondit « Mais oui, bien sûr… il ne va pas le faire… » Alors qu’elle achevait ses mots, le voilà qui fermait les yeux et partait au pays des rêves. De surprise, elle recula de plusieurs pas, grimaçant de colère. « Mais… il est… complètement cinglé ! » Soupirant, elle traversa le boulevard et marcha encore quelques mètres et arrivée face à une auto noire, elle monta à l’intérieur de son habitacle. Dans le silence nocturne de son 4x4, elle posa ses bras sur le volant et calla son front à l’intérieur de ceux-ci. Avec un peu de chance, Jensen s’était réveillé et s’en était allé ou mieux, il s’était fait enlever. Quelques minutes plus tard, elle mit le contact et dirigea le véhicule vers l’endroit où elle avait abandonné le corps inerte de l’acteur de Supernatural. Horreur : il était toujours là, à dormir sur le sol froid.

Sortant de la voiture, elle passa plusieurs minutes à réveiller Jensen en lui mettant quelques coups de pied bien placés et lorsqu’il fut conscient, elle l’aida à se relever et elle le porta jusqu’aux sièges arrière de la voiture. Reprenant le volant de la voiture, elle ordonna à Ackles de ne pas vomir sur les banquettes et elle se mit en route. Elle ne savait pas trop où aller. Jensen ne lui ayant donné aucune indication, elle prit donc une initiative.

Evangeline rentrait chez elle.